Le frelon asiatique (Vespa velutina) s’est imposé depuis deux décennies comme l’un des prédateurs les plus redoutés dans nos campagnes, mais aussi dans notre quotidien urbain et périurbain. Face à cette invasion venue de l’est, connaître le rôle des reines frelons asiatiques est devenu une priorité pour freiner cette espèce nuisible. Pourquoi s’intéresser spécifiquement à ces reines ? Comment les reconnaître, quels sont leurs cycles, et quelles solutions privilégier ? Ce dossier complet vous guide pour comprendre, détecter, agir efficacement – tout en préservant notre biodiversité et les abeilles, essentielles à la pollinisation.
Comprendre le frelon asiatique (Vespa velutina) : portrait d’un prédateur invasif
Principaux caractères d’identification du frelon asiatique
Pour intervenir sur les reines frelons asiatiques, il faut d’abord distinguer Vespa velutina des autres hyménoptères :
- Aspect général : coloration foncée, thorax brun noir velouté, contrastant avec les guêpes jaunes.
- Abdomen segmenté de brun, liseré de jaune, 4e segment jaune orangé bien visible.
- Face jaune orangée, tête foncée.
- Pattes jaunes à l’extrémité, d’où le surnom de “frelon à pattes jaunes”.
- Taille : environ 3 cm pour une ouvrière, la reine frelon asiatique étant la plus grande.
- Vol stationnaire caractéristique devant la ruche.
Voyez aussi comment différencier les insectes rayés de l’été ici.
Différencier les castes : reines, ouvrières et mâles
La reine fondatrice
La reine frelon asiatique fondatrice s’identifie par :
- Une taille plus importante (en moyenne jusqu’à 3,2 cm, parfois 4 cm),
- Un abdomen volumineux,
- Une activité solitaire au tout début du printemps (c’est la seule à initier la colonie),
- À l’automne : ailes parfois endommagées, coloration ternie, corps alourdi par les stocks graisseux.
Les ouvrières
Plus petites (1,5 cm en tout début de saison, puis autour de 3 cm), elles assurent tous les travaux de la colonie : soin aux larves, défense du nid, agrandissement…
Les mâles
- Deux taches jaunes sur l’extrémité ventrale de l’abdomen,
- Antennes à 13 segments (contre 12 chez les femelles),
- Aucun aiguillon : ils ne piquent pas.
Les jeunes reines (futures fondatrices)
En automne, les jeunes reines frelons asiatiques sont morphologiquement proches des ouvrières, mais plus lourdes, car elles accumulent des réserves pour l’hibernation.
[BLEU] Pour aller plus loin : fiche technique “différences entre castes chez Vespa velutina”.
Le cycle de vie annuel du frelon asiatique : une prolifération rapide
Mieux comprendre le développement de la reine frelon asiatique permet d’optimiser les actions de lutte :
- Hiver : reines fécondées en hibernation solitaire, nids vides.
- Février-avril : sortie d’hibernation, recherche d’abri pour le nid primaire, période idéale pour piéger les reines frelons asiatiques.
- Mai-juin : premières ouvrières, essor progressif de la colonie.
- Juillet-septembre : déménagement vers un nid secondaire, croissance explosive, prédation massive sur les abeilles et pollinisateurs.
- Automne : portée maximale, production de nouvelles reines et mâles, accouplement, puis recherche de sites d’hibernation.
- Fin d’automne : mort de la vieille reine, disparition de la colonie, seuls survivent les futures fondatrices.
Développement larvaire : de l’œuf à l’adulte
Le développement est typique des insectes : œuf, cinq stades larvaires (avec mues successives nourries par les ouvrières), puis nymphose en cellule fermée (“opercule”), avant l’émergence du nouvel adulte. La durée varie de 34 à 53 jours selon température/nourriture.
Voir le cycle de vie du frelon asiatique (INPN).
L’impact dévastateur du frelon asiatique : pourquoi cibler les reines ?
Une menace directe pour les abeilles et l’apiculture
La prédation des frelons asiatiques sur les abeilles est massive :
- Vol stationnaire devant l’entrée de la ruche,
- Capture des butineuses, elles sont découpées et seules les parties riches en protéines (thorax) sont rapportées aux larves,
- Un nid consomme jusqu’à 4 kg d’abeilles par an (≈ 40 000 abeilles).
Conséquence : stress des colonies, chute de production de miel, mortalité des ruches et découragement des apiculteurs.
Un déséquilibre pour la biodiversité et les insectes pollinisateurs
Les reines frelons asiatiques et leurs colonies n’épargnent pas les autres insectes : guêpes, papillons, mouches, bourdons… Leur prolifération fragilise gravement la pollinisation, le succès des cultures, et le fonctionnement normal des chaînes alimentaires.
Le rôle crucial de la reine fondatrice : la clé de voûte de la colonie
Chaque reine frelon asiatique interceptée et piégée au printemps évite la naissance d’un nid entier, et donc la naissance de milliers d’ouvrières et de prétendantes fondatrices pour l’année suivante. Cibler spécifiquement les reines frelons asiatiques est donc le levier le plus efficace, particulièrement au tout début de la saison.
Piégeage des reines frelons asiatiques : stratégies, calendrier et bonnes pratiques
Quand piéger les reines fondatrices ? Le calendrier optimal
- Période idéale : fin février à fin mai (à ajuster selon climat/altitude). C’est là que les reines frelons asiatiques sont isolées, en quête de nourriture sucrée avant la naissance des ouvrières.
- Les premières sorties s’observent dès que les températures dépassent 13 à 15 °C sur plusieurs heures.
- Deuxième fenêtre : septembre à novembre (cible : jeunes reines fécondées prêtes à hiberner), pour réduire la pression sur les ruchers.[BLEU] N’hésitez pas à consulter article sur les meilleurs liquides à mettre dans un piège à guêpe/frelon.
Quels types de pièges utiliser ? Avantages, inconvénients et sélectivité
- Pièges artisanaux (bouteilles plastiques fendues : pratique et économique, mais souvent peu sélectif).
- Pièges commerciaux sélectifs : cônes, grilles de sortie, systèmes Red Trap, Vespacatch… conçus pour retenir les frelons tout en permettant la fuite des abeilles et petits insectes non ciblés.
- Systèmes “évolués” : plusieurs ouvertures, grilles calibrées, etc., à privilégier.
- L’essentiel : toujours opter pour un piège à frelons asiatiques reine sélectif, pour ne pas décimer d’autres espèces déjà fragilisées.
L’art du piégeage sélectif : protéger les autres insectes
- Favorisez les appâts sucrés (printemps), calibrés en fonction du diamètre des entrées (évitez <8mm pour réduire les captures d’abeilles).
- Vérifiez chaque piège tous les jours pour relâcher les insectes non ciblés.
- Les pièges non-sélectifs sont responsables de la destruction massive des pollinisateurs : ils sont donc à proscrire.
Quel appât choisir pour attirer les reines frelons asiatiques ?
- Appât sucre (printemps) : 1/3 bière brune (ou panaché), 1/3 vin blanc (répulsif pour abeilles), 1/3 sirop fruits rouges. Renouveler régulièrement.
- Appât protéiné (à l’automne principalement pour ouvrières et jeunes reines : viande, crevette, poisson, mais prudence sur la sélectivité).
- Produits du commerce spécifiquement conçus : souvent testés pour leur action sélective.
Où et comment installer les pièges efficacement ?
- Près des ruchers (mais pas immédiatement à l’entrée),
- Près des nids de l’année précédente, ou zones où des reines pourraient hiberner,
- Dans les arbres en fleurs, sur des arbustes mellifères, ou près de composteurs,
- Hauteur idéale : 0,5–1,5 m, en plein passage mais hors portée des enfants/animaux.
Que faire des frelons capturés ? Précautions indispensables
- Ne manipulez pas les frelons asiatiques vivants dans les pièges,
- N’approchez pas le visage des orifices d’un piège (projection de venin possible),
- Pour neutraliser : plongez le piège dans de l’eau savonneuse ou placez-le au congélateur une heure.
Alternatives et compléments au piégeage des reines
La destruction des nids de frelons asiatiques : une affaire de professionnels
- Nid primaire (petit, tôt dans la saison) : destruction possible si la reine s’y trouve, mais interventions délicates.
- Nid secondaire (en cime d’arbres, très peuplé) : intervention strictement réservée aux entreprises de désinsectisation, référents locaux, ou pompiers selon les départements.
- Ne jamais intervenir seul sur un nid actif.
Autres méthodes de lutte et prévention
- Certains animaux (poules noires de Janzé, oiseaux… peuvent consommer quelques frelons),
- Grilles d’entrée de ruche pour protéger les abeilles,
- Plantes carnivores (efficacité non prouvée), surveillance active, signalement des suspicions,
- Sensibilisation : informer et agir collectivement reste essentiel.
Identifier pour ne pas confondre : espèces ressemblantes au frelon asiatique
Le frelon européen (Vespa crabro)
Plus grand et plus massif, coloration rousse et jaune, nid dans cavités ou abris, jamais en haut d’arbres. Rôle écologique non négligeable.
Le frelon oriental (Vespa orientalis)
Roux, implanté en Méditerranée. À ne pas confondre.
La guêpe des buissons (Dolichovespula media) et guêpes communes
Petites, couleur plus jaune, nids souvent souterrains ou dissimulés dans des buissons.
La scolie des jardins (Megascolia maculata), le sirex géant, l’abeille charpentière, les diptères mimétiques (syrphes)
Gros insectes parfois impressionnants mais inoffensifs, rôle utile dans l’écosystème.
Dangers, précautions et idées reçues sur les reines frelons asiatiques
Le danger des piqûres de frelon asiatique
- Seule la défense du nid expose à l’agressivité,
- Piquer plusieurs fois, dard long, venin très toxique (risque de choc anaphylactique chez l’humain),
- Projection volontaire de venin possible.
Que faire en cas de piqûre ?
- Désinfecter,
- Appliquer du froid sur la piqûre,
- Surveillance immédiate de la réaction,
- En cas de symptômes graves ou multiples piqûres : appeler les secours sans délai (15 ou 112).
Idées reçues et mythes sur le frelon asiatique et ses reines
- Les reines frelons asiatiques ne sont pas forcément plus agressives,
- Détruire un nid mort en hiver est inutile,
- Tous les gros frelons ne sont pas asiatiques : d’où la nécessité d’apprendre à identifier correctement,
- Le piégeage n’est efficace que bien mené : privilégiez lutte collective et interventions coordonnées.
Conclusion : reconnaître et cibler les reines, c’est protéger nos écosystèmes
Les reines frelons asiatiques sont la clé de contrôle de l’invasion : leur détection et piégeage sélectif, ou leur signalement dès le début de saison, peuvent enrayer l’apparition de milliers de nouveaux nids. Chaque action compte pour limiter l’impact de Vespa velutina sur nos abeilles, la biodiversité, et la production apicole française.
L’action individuelle, coordonnée à l’échelle locale et soutenue par l’expertise des référents, des apiculteurs et des collectivités, est le meilleur rempart.
Participer à la surveillance du printemps, poser des pièges sélectifs, relayer les signalements : autant de gestes fondamentaux pour protéger nos écosystèmes tout en restant responsables et respectueux de la faune utile.
La recherche progresse : continuez à vous informer et à partager pour une lutte toujours plus respectueuse et innovante.
Non, chaque reine ne fonde qu’une seule colonie par saison.
Plusieurs milliers au cours de sa vie, assurant ainsi la pérennité et la croissance du nid.
Oui, particulièrement s’il débute très tôt au printemps, avec des pièges sélectifs et un engagement collectif fort.
C’est possible si le nid est très petit et peuplé d’une seule reine, mais la prudence est de mise : la reine peut s’échapper et recommencer ailleurs, et un risque de piqûres existe.
Non à l’échelle individuelle, mais son comportement collectif, la densité des nids, et sa défense du nid proche des humains en font un problème d’ordre public.